Culture et lien social, Torcy, janvier, février, mars 2022
Rencontres-ateliers distants Janvier 2022



Atelier/Images et Mots - Torcy

Culture et Lien Social avec Patricia Baud et Alain Bellet


Proposition distancielle du 4 février 2022 Sur les pas de René Char
Les aventures picaresques de Tancrède Vélasquez, théâtre


Proposition distancielle du 14 janvier 2022
Ci-dessus, suivant la plume de Catherine Dufour

Textes écrits et reçus au 1er février

Pour cette nouvelle année 2022, nous vous avons proposé d’explorer de nouveaux mondes. Ce nouvel intitulé fera appel à nos imaginaires et ce sera l’occasion de découvrir ou de redécouvrir des auteurs comme George Orwell qui anticipa notre société au niveau politique et social, ainsi que d’autres auteurs très imaginatifs qui ont créé des mondes d’anticipation à partir de nouvelles technologies inventées ou en évolution, dues aux progrès de la science. Des écrivains  comme  Philippe Dick, Isaac Asimoff, Lovecraft, Ray Bradbury, Aldous Huxley pour les plus connus et une femme, Catherine Dufour.

Honneur aux dames qui prennent le chemin tracé ou accaparé par les hommes et les éditeurs. Catherine Dufour est une femme contemporaine, née en 1966,  ingénieure de formation, romancière et nouvelliste. Elle nous suggère de “ désincarcérer le futur” pour avoir une réflexion commune sur notre avenir avec des projections positives.

 Première proposition inspirée de son livre :
Danse avec les lutins”. Faites danser vos propres lutins dans une petite nouvelle très créative…
Deuxième proposition :
Inspirée d’un autre livre de Catherine Dufour, un texte poétique avec son titre :
 La dentelle du cygne. Pour celles et ceux qui ont des difficultés, vous pouvez écrire ce texte poétique à partir du titre, positionné en acrostiche.
Troisième proposition :
Vous créez un personnage qui a Le goût de l’immortalité (troisième ouvrage) et vous nous contez ses péripéties et ses réflexions dans un monde historique ou très contemporain.
Une ou plusieurs illustrations photographiques sont toujours un plus dans nos imaginaires et nos représentations. 


          

 

                                                                                                                       Photographie Joël Hennequin
 

Immortalité / Joël Hennequin


Le dixième variant du Covid a été fatal, la majorité de la population mondiale a été décimée. Seules quelques créatures  immortelles sont encore vivantes sur terre. Je n'ai pas de nom, ni de prénom, d'ailleurs mon dernier ancêtre ne se reconnaissant pas dans celui que l'on lui avait donné l'a fait modifier. Je n'ai pas de sexe, puisque immortel, la fonction de reproduction n'a plus de sens. Je suis un mélange d'androgyne, d'avatar, de zombi, d'ersatz, on m'a vacciné plusieurs fois avec de la substance de la méduse Turritopris Mutruela.

Selon les conditions où je me trouve, en particulier quand je suis en danger, je me transforme en l'état de polype, j’inverse le processus de vieillissement. Grâce à un chercheur français un peu fou, on m'a fait des injections de Télomérone, l'élixir de jeunesse, et ainsi mes cellules sont régénérées. J'ai subi un traitement de reprogrammation cellulaire qui consiste à rajouter certaines protéines pour les rebooster. J'ai été volontaire pour essayer un médicament de la start-up «Unity-Biotechnologie » qui permet de retarder le vieillissement et les maladies, avec un médicament appelé «Sénolytique».

La start up « Nectome » a sauvegardé mon cerveau d'origine sous forme numérique pour le rendre immortel.

J'ai aussi un implant dans le cerveau, je suis une méduse augmentée. J'ai un cerveau numérisé, virtuel, On m'a rajouté une substance chimique qui m'a permis de garder mes neurones et mes synapses d'origine. J'ai un cerveau numérisé, virtuel, tout a été sauvegardé, mes souvenirs, mes expériences, comme on sauvegarde des photos, des vidéos dans le Cloud.

Je suis le produit des rêves des milliardaires de la Sylicon-Valley, une copie de Jeff  Bezos, je suis le produit de plusieurs expériences faites chez « Altos Labs », la mystérieuse biotechn de Youri Milson, l'un des créateurs de Facebook.

Hier, j'ai croisé un de mes congénères immortels qui s'était fait congeler avant sa mort et que l'on a réveillé au huitième variant, on l'a transformé en machine à essai de vaccins. Inutile de vous préciser dans quel état se trouve notre environnement avec les dégâts du réchauffement climatique et la guerre atomique entre les Etats-Unis et la Russie au sujet de l'Ukraine et la Crimée, auquel s'était mêlée la Chine. Cette immortalité est loin d'être le nirvana de l'âme ou le paradis, l'état de bonheur absolu promis par le christianisme, l'islam, le judaïsme ou le bouddhisme. D'ailleurs en quoi l'immortalité serait-elle un but, un bonheur ? Par essence même, nous sommes tous immortels, puisque à travers la chaîne alimentaire, la putréfaction, nous participons avec nos cellules, nos déchets à l'éternelle transformation, l'éternel recommencement de la vie. Et quelle ambition de l'homme qui n'est qu'une espèce sur terre parmi huit millions d'espèces vivantes ! Toute chose à une fin, rien n'est immuable, tout est en éternel mouvement et transformation. Les  planètes, les étoiles, le vide, naissent et disparaissent, on sait que le soleil, indispensable à la vie sur terre, va s'éteindre dans des millions d'années.

Et être immortel soi-même ne présenta pas d'intérêt en l'absence de celle des personnes que j'ai aimées, parents, enfants, amis, amour, amitié. Quelle absurdité de prétendre vouloir l'éternité si on détruit la nature qui est l’élément essentiel de la vie ? D'après Platon « L'âme de l'homme est immortelle et impérissable ».

D'après la bible l'univers n'as pas toujours existé, il y a eu un début et il y aura une fin et les religions promettent un monde meilleur dans l'éternité.

 L'immortalité conduit à  s'interroger sur la mort. Comment affronter la Mort ? la mettre à distance ou au contraire la regarder en face ? La mort est inéluctable, alors se poser la question de l'immortalité a-t-elle un sens ?

La mort est la fin de toute conscience, la fin des sentiments. La crainte de la mort ? Pourquoi craindre la mort, puisque l'on ne peut plus éprouver quoi que ce soit, physiquement ou intellectuellement ? Je n'ai pas peur de ma propre mort, mais celles des êtres chers qui me laissent seul, leur mort est en quelque sorte la mienne.

L'endeuillé va s'adresser à son défunt comme s’il était encore vivant, entre le réel et l'imaginaire, le lien entre les morts et les vivants. En ce sens le défunt est immortel  car, « tu es toujours dans mes pensées ». «  Il faut que tu te mettes bien cela dans la tête, Papa, elle sera toujours là, elle nous observe, il faut que nous fassions ce qu'elle aurait voulu que nous soyons unis et respectueux l'un envers l'autre.

Selon Albert Camus, dans sa globalité l'univers est dénué de sens. Exister est un calvaire sans fin pour accomplir des tâches essentiellement dénuées de sens. Pourtant, nous avons tendance à trouver du sens à toute chose. Est-ce raisonnable ou tout simplement vital pour résister ? De tout temps, toutes civilisations, on a voulu laissé des traces, une certaine immortalité. Les pyramides, les temples, les statues, les églises rendent immortels leurs constructeurs. Les livres, les films, les photos, les vidéos, les poèmes, les chansons rendent leurs auteurs immortels. Les dirigeants, les rois, les empereurs, les tyrans ont voulu laissé des traces. La bibliothèque François Mitterrand, le musée  du Quai Branly, Jacques Chirac, La cour des Comptes ou les préfets de Napoléon.

    Par le rituel des enterrements, des fêtes commémoratives, nous entretenons l'immortalité des défunts. L'immortalité ne me semble pas intéressante d'un point de vue scientifique si c'est pour prolonger la vie indéfiniment dans un état de vieillesse, d'inconscience ou dans les conditions d'avatar, de zombie virtuel dans un monde où la nature a été détruite. D'ailleurs les animaux autres que l'homme ne savent pas qu'ils vont mourir un jour et cette idée est une utopie du 21e siècle ou l'on croit que la toute-puissance des sciences et des technologies va trouver une solution à toutes les maladies et à la mort. Ceci est lié à la perte de certaines valeurs, le déclin de l'influence des institutions religieuses, c'est un fantasme et à notre époque, nous avons tous peur de la mort.

    Cela est lié aussi à la notion de temps, on distingue le passé, le présent, le Futur. Saint Augustin faisait remarquer que la passé et le futur existent pour l'homme comme un vécu du présent. Si je me souviens de mon enfance, ce souvenir est actuel comme quand j'imagine mes vacances de l'été prochain. Le paradoxe du présent est qu’il n'y a que du présent mais en même temps il n'existe pas, il n'est que la limite entre un passé qui le dévore et un futur qui l'absorbe constamment. Le temps ne s'arrête jamais, il ne revient jamais en arrière, il est irréversible et ne se répète jamais. Pour moi l'élément essentiel c'est la nature , notre environnement, les arbres, la mer, les montagnes, les écosystèmes, les mangroves, toutes les espèces vivantes. L'immortalité n'as pas de sens si nous détruisons ce qui est l'essence même, vitale de notre vie. L'immortalité est dans les neiges éternelles, le printemps et la renaissance des fleurs, des feuilles.

Un appel irrésistible de l'air pur, du vent ,de l'eau. Nous avons besoin de marcher au milieu des arbres ,d'écouter le chant des oiseaux, du vent. S'immerger dans un monde préservé de la folie des hommes. Nous sommes à un carrefour, soit nous nous prenons en main, nous prenons soin de nous reconnecter à la nature et à l'autre, soit nous continuons à vivre en individualistes et en matérialistes  et nous allons droit dans le mur, rendant la notion d'immortalité comme un non-sens. Alors, écoutons la sagesse, la simplicité, le réalisme de Pierre Rabhi…


Immortelle / Cécile Hamy

 

À la conquête des ondes gravitationnelles, Mon être est en perpétuelle évolution. Comme la mutation des variants COVID, il s'adapte à son environnement et aux personnes qui l'entourent.

 

La télépathie, comme on le dirait ici, me permet de savoir les empreintes émotionnelles

chargées de ces couleurs. Tout est prisme dans ma perception des choses. (II y a parfois des zones d'ombre). Comme dans les jeux vidéo avec les barres de niveau et d'énergie.

Le toucher est douloureux, car la souffrance est bien présente. Mais de vous voir défiler tel un panorama humain tournant est magique. Telle la nature, immuable dans son renouvellement.

Je me transmute de génération en génération jusqu'à l'avènement final de ce monde.

Je serai jusqu'à la fin. Que diriez-vous d'avoir une idée de ce que la terre va devenir ? Un havre de paix. Nous ne serons plus là. Ce n'est du moins rien à voir, aucun rapport avec nos vecteurs de vie actuelle. Je vous observe depuis tant de villes. Tant d'endroits que j'ai vomis la nuit de nos conneries.


Le jour, je vous croise. Incompréhension du phénomène, je vous transcende sans heurt. Un scanner greffé dans le cœur, aucun sentiment n'y réside, que de bonnes ondes restent de nos échanges.

Les plaisirs humains sont dérisoires face à l'infini de l'existence, je suis Immortelle !

 

Oh, mon amour de Bigorre / Lutins / Cécile Hamy

 Non ce n'est pas la croix et la bannière.

Ici tout est merveilleux.

J'ai aimé la belle montagne que j'étais venue rencontrer. Avec ses versants colorés même de neige qu'il vente qu'il pleuve tout est beau ici.

Dans le marbre blanc, on trouve toute la pureté de la source et l'eau c'est la vie. Ici la vie est transcendante. Le lac de Payolle et son «refuge » sont une merveille.

Dommage que certains amours ou amitiés échouent, mais nul n'était obligé de s'aimer. Ici l'amour transpire de certains êtres qui, je le sais, se reconnaîtront.

Pays des Pyrénées, je te le dis clairement, je t'adore comme la muse adore son artiste.

Sans citer de nom, je parlerai de Jeanne d'Albret, qui par sa pensée m'a tenue compagnie ainsi que cette Sophie, dont je ne sais son nom. La peste n'est pas le Covid-19 !

Gare à vous quand même, je tiens à notre humanité, qui est claire et présente ici. Bien sûr, vous n'en n'avez aucun doute.

Le soleil est dans nos cœurs, mais quand même, je suis désormais vaccinée de Tranchant et son groupe ainsi que la Weed-Gang.

Hasta luego

 

Petits Lutins / Brigitte Voisin


Lutin :
 1 - Petit démon familier d 'esprit malicieux
2 - Enfant vif et espiègle

Il ne faut pas confondre les lutins avec les esprits frappeurs, les feux follets ou la fée Clochette.

Par une belle soirée d'été, je partis en direction de la Mare au Diable chère à George Sand et du Chêne du Pendu. Temps idéal pour arpenter les chemins creux berrichons qui regorgent  de noisetiers, de menthe sauvage, d'ajoncs, de prunus.

Je franchis un petit pont en vieux bois craquelé qui surplombe la rivière aux eaux claires, garnie d'algues ondoyantes.

Elle chantonnait, et coulait librement. Un ballet de libellules aux ailes bleutées retint mon attention un moment.. Un vent frais, léger et parfumé, courait sur les pâtures.

J'entrai dans un bois de châtaigniers, touffu, sombre, ou nul oiseau chantait. Bois abandonné des hommes, parsemé de branches mortes craquant sous les pas et de ronces énormes.

 

La Mare au Diable n'était plus qu'un peu d'eau boueuse encerclée par des orties et autres vilenies. Le Chêne du Pendu ne valait guère mieux. Très ancien, haut et massif, il tendait ses branches nues et noueuses, comme un appel aux vivants.

Tristesse et déception. Un paysan y fut pendu, jadis.

Soudain, je crus entendre des chuchotements, des petits rires d'enfants vite réprimés. Au centre de la clairière, dans un rond de sorcière, je découvris de petits êtres aux habits chatoyants. Tous, portaient une culotte en peau de lapin, un petit haut de satin et un minuscule chapeau pointu qui cachait en partie leur visage.

Ils babillaient, assis dans l'herbe et se faisaient des niches. Une petite flûte, tirée d'un sac, au son aigrelet; interrompit leurs jeux. Ils bondirent, d'un seul élan, et se prenant par la main, firent une ronde et dansèrent légers, aériens, sautant comme des cabris. 

C'était magique et magnifique, ce bonheur à l'état pur. Ils riaient à gorge déployée.

 

Soudain, un grand cerf, aux bois imposants, émergea de la forêt et s’avança lentement. Les petits lutins, surpris, disparurent en quelques bonds, dans les hautes herbes. Le cerf s'éloigna ,comme à regret. Le temps avait filé. Un brouillard cotonneux envahit les lieux. Il fallait rentrer, car déjà le hibou lançait son chant monotone du haut de son grand arbre.


Je gardais de cette rencontre magique, un souvenir exquis.

 

La superstition /Cécile Hamy                                                

 

« La superstition est l'art de se mettre en règle avec le coïncidences. »

Jean Cocteau

 

Dès le départ, il crut en tout cela, l'œuf café au-dessus de sa tête, s'ouvrant sur un papier; papier qui dévoilera sa destinée, lors de son adolescence. D'y croire, aux présages, aux synchronicités, comme un point d'ancrage dans sa réalité. Point de coïncidences il y a aux portes de métro qui s'ouvrent juste devant lui, ou le bus qui arrive au même instant que lui.

 

II a pour habitude de se laisser porter par les signes qu'il rencontre. II y attache une grande importance, c'est cela qui le distingue des autres. Cela lui montre qu'il est sur le bon chemin, le sien, tout du moins.

La superstition lui est propre, mais il ne se laisse pas guider par ces foutaises de porte-malheur ou porte-bonheur, verre brisé, chat noir, ou échelle à éviter, n'ont rien à envier de ce qu'il vit.

Il sait, c'est tout. Doté d'une grande intuition, se laisser porter par la grandeur d'un échange avec un ou plusieurs oiseaux, les nuages, la lune ou encore le vent.

Les éléments le promènent dans des éclairages sur ces moments de vie. Les signes mystiques et oniriques s'invitent dans son monde, alors qu'il ne s'y attend pas.

 

Et il n'y a pas un jour où il en doute.

 Atelier du 25 juin. 2021

 

Immortalité rime avec sérénité / Yaël Getler

            

Quelle est l’une des plus grandes craintes de l’Homme ? N’est-ce pas la Mort ? Libérer chacun d’entre nous de cette pression du temps qui passe ne serait-ce pas apaiser l’humanité ?

J’ai un tempérament optimiste, mais j’écoute aussi mon corps chaque matin, chaque soir, et je sais qu’il me dit que je peux ne jamais mourir. Chacun le peut s’il le décide.

Mes parents ont tant insisté pour m’offrir une place dans le caveau familial que j’ai fini par accepter, et après ma date de naissance, là où celle du décès est censée être vierge, j’ai fait graver en lettres d’or le signe de l’infini.

L’ironie du sort a voulu que mon premier emploi fut d’être employé de pompes funèbres. On a fini par me licencier, il est vrai que je ne cessais de répéter que ce métier n’existerait bientôt plus. Je crois être passé pour un illuminé. Tant pis pour eux, quand ils seront tous au chômage, ils repenseront à moi….

Lorsque notre corps est abîmé, il suffit de le réparer..

Ne pas se dire qu’on a la vie devant soi, mais l’Eternité devant soi. Bien sûr, ma naïveté n’est pas si grande, il faudra améliorer nos conditions hospitalières et de médecine, il nous faudra tout de même réguler un risque de surpopulation, mais j’y travaille.

Je suis tombé amoureux alors que je ne m’y attendais pas, jusqu’au jour où ma Princesse a parlé d’enfants. J’ai bien tenté de lui expliquer que nous avions déjà beaucoup de projets à réaliser avant et que pour des enfants nous avions tout le temps. Elle m’a expliqué des choses obscures sur les hormones et je ne sais quoi,  elle ne m’a pas compris. Elle m’a quitté. Je m’attellerai à mettre au monde mes premiers enfants d’ici une cinquantaine d’années, j’aurai tout le loisir de profiter de ma descendance.

Mais l’immortalité, durement acquise, doit rester un choix. Je ne jette pas la pierre à celles et ceux qui courent à cent  à l’heure pour avoir le temps de tout faire avant leur dernier souffle.

Et encore… Tout faire… Si c’est pour son propre bien être, c’est concevable mais si c’est pour devoir sans cesse rendre des comptes, affronter des obligations, il faut prévoir beaucoup plus de temps. Faute de quoi il n’en reste plus pour le Bonheur et les joies simples de la vie.

 

J’aurais dû passer cent fois à trépas. On me dit qu’un ange veille sur moi….je crois être mon propre ange…Un jour alors que j’étais dans le camion des pompiers perdant mon sang à flots par la bouche, je les entendus dire « on l’a perdu, je n’ai plus de constantes ! »… Mais j’étais là. Je ne pouvais pas parler, pas bouger mais j’étais toujours là. J’ai fait un gros travail sur moi-même, mon corps et mon esprit se sont rejoints, et arrivé à l’hôpital mes constantes avaient repris une courbe normale. Et  un estomac, ça se répare.

Bien sûr, je vois toujours le verre à moitié plein, je sais aussi que l’immortalité suppose le risque de voir un monde tomber en ruines. Mais nous serons plus nombreux pour le reconstruire.

La difficulté réside surtout dans la décision de l’âge physique auquel nous désirons, nous maintenir, un âge auquel le corps dira stop et n’accusera plus les signes de vieillissement. J’ai opté pour trente-cinq ans. C’est un bon âge, encore jeune et vaillant mais expérimenté et aguerri, pas encore de cheveux blancs et seulement quelques rides d’expression qui donnent du caractère. Je me plais ainsi pour l’éternité. Si d’aventure je venais à changer d’avis, la médecine et la chirurgie esthétique sont à ma disposition.

L’immortalité est un Trésor à constituer petit à petit, elle est ma définition du Bonheur, si d’aucuns préfèrent y renoncer par manque de temps d’y penser, libre à eux.

Avoir le temps de réaliser tous les projets qui nous tiennent à cœur, sans cesse renouvelés, le temps de rencontrer les plus belles femmes du monde en les charmant toujours, avoir le temps de penser, le temps de ne rien faire…

Le monde de l’immortalité sera le monde de tous les possibles. Être immortel, c’est pouvoir sans cesse apporter sa pierre à l’édifice emplis des souvenirs de la Terre. C’est être la Mémoire du Monde.

L’année 2050 sera une année exceptionnelle, un bouleversement salutaire. J’ai voulu m’y prendre à l’avance sachant que cette date serait très courtisée, pour réserver le lieu des festivités du Réveillon. On m’a répondu qu’on ne prenait pas de réservation pour une date aussi lointaine ! Le monde n’est pas prêt. A mon épouse qui m’apporte tendrement mon café du matin, je dis nonchalamment :

-J’ai rêvé que nous étions immortels, toi et moi .

Elle a fait volte-face en haussant les épaules. Le monde n’est pas prêt.

Immortalité rime avec Sérénité, pourtant.

 

La dentelle du cygne / Patricia Baud

 

Droit devant, il glissait, petits points blancs de suspension

Les volutes aquatiques se décomposaient en deux temps

Patte avant pour l’esquisse et le choix du sillage

La patte restée en arrière en soulignait le trait et l’accentuait

Cette symphonie délicate s’offrait gaiement aux passants rêveurs

Entre clapotis  et ronde du vent, les feuilles à la surface de l’eau brillaient, ondes de couleurs miroitantes

Jeu de résonnances, l’animal orchestrait le tempo pour le bon vouloir des rives respectueuses, silencieuses

Une petite fille de sept ans recousait  avec son crayon, le fil du temps  dérobé

Sa main frôlait le papier glacé comme la bête sa liquide litière

L’harmonie du moment  se laissait capturer dans un désir d’immortalité

Mais que  fais-tu, lui demanda son indissociable peluche et confidente ?

Surprise par tant d’audace, la petite dessinatrice exécuta doucement une réponse

Je peins la dentelle façonnée par le grand cygne

Il décrit des arabesques élégantes et  moi, je replace les lettres  dispersées  pour écrire la …

La petite se tût pour ne pas troubler l’ouvrage précieux de ce grand roi majestueux …

 

27/01/2022
 

  Danse avec les lutins -1- / Alain Bellet

 

Il n’est pas donné à tout le monde de disposer de lutins à soi, des êtres de chimères, visibles ou invisibles, toujours prêts à imaginer des sortes de farandoles les plus délirantes, dans le but avoué de dérégler le quotidien des choses et faire tanguer le monde au diapason d’une peur ou d’un éclat de rire.

Des lieux où j’ai vécu, je me souviens bien d’eux. Ils s’installaient toujours à mon insu dans le recoin le plus improbable, le dessous d’un lit poussiéreux, l’intérieur d’une penderie emplie de vêtements mités, sur le haut d’une armoire gigantesque ou encore coincés derrière la porte d’un grenier inquiétant.

Ils étaient les maîtres d’œuvre de mes étonnements, les entremetteur de mes rêves, les buissonniers de mes classes vagabondes. Mais que pouvaient avoir en communs mes lutins du Faubourg Saint-Antoine, ceux du Parc-de-Saint-Maur, de la rue Riquet ou de la rue Marx Dormoy ? L’éclat de l’enfance et le surplus de rêveries qu’une adolescence interrogative fabrique…

Déjà la résidence créée le lutin, entre Paris et sa banlieue, le centre ou sa périphérie, dans la proximité ou l’éloignement avec l’histoire humaine, la mémoire des disparus, les souvenirs de leurs luttes et de leurs privations… Le lutin t’accompagne dans les saisons des découvertes amoureuses, dans l’apprentissage du sens des choses et l’éclosion des idées choisies, façonnées à la main pour forger le moule d’une identité dans la fumée des lacrymogènes et le vacarme des rues remuantes… C’est un lutin de rouge et de noir vêtu, volontiers gueulard, parigot et chansonnier qui accompagne l’essentiel de mes marches.

Dans les années soixante-dix, mes lutins de compagnie se féminisent et deviennent lutines, elles campent à Romainville, investissent les casernes allemandes, élisent domicile à deux pas du concert Mayol, vers Strasbourg-st-Denis. Un peu casanières, elles se plaisent dans un univers communautaire où les combats se pluralisent, front principal, fronts secondaires, l’écologie, le féminisme, la ruralité…

Désormais, le son du bignou et celui des cornemuses entraînent les lutines dans les fest-noz de Rennes, direction Langouet sur galettes et beurre salé, crêpes et bretonneries douces.

Bientôt la Drôme, l’Ardèche, le mistral et le vent du nord… La largueur du Rhône les impressionne, les sommets découpés du Vercors à l’horizon aussi. Cette nouvelle migration à des fins professionnelles entraîne une démission collective des lutines qui avaient osé me suivre en plein hiver sur des chemins verglacés, je le sens bien.

Plus de murmures complices, plus de rires échevelés dans le fond des couloirs, elles ne sont plus là, les lutines, évaporées, dispersées, courant sur les sentiers ventés entre des  massifs de genêts… Parfois, je sentais leur souffle près des ruines du château Crussol, mais l’impression ne durait pas…


La Dentelle du cygne / Sylvie Pétel

 

Quoi de plus beau que cette dentelle du cygne avec ces tutus et ces magnifiques dentelles.
Les danseuses font des pointes, des arabesques.
Ils dansent en couple, ou en groupe.
C'est la féerie de l'opéra.
 
En cette période de covid 19 depuis deux ans.
 
Je ne peux penser au manque d'affluence à l'opéra et dans tous les lieux festifs.
Les entreprises d'événementiels ont beaucoup souffert pendant ces deux ans. J'espère que le gouvernement a mis en place des aides, afin que la situation soit plus acceptable. Je ne vous demanderai qu'une seule chose :
 
Fermer les yeux et imaginer que nous sommes dans les magnifiques fauteuils de l'opéra Garnier pour la représentation du ballet Le Lac des Cygnes.