Culture et lien social, Torcy, janvier, février, mars 2022
Rencontres-ateliers distants Janvier 2022



Les aventures picaresques de Tancrède Vélasquez

Texte dramatique collectif
Catherine - Cécile - Joël - Kamel - Nadège - Noëlla - Yaël
Suzanne - Sylvie - Patricia Baud et Alain Bellet

OMAC, Maison Léo Lagrange Torcy, les 27-28-29 octobre 2021



Aventurier de quarante ans, Tancrède Vélasquez fut autrefois assez bel homme… Aujourd’hui ses cheveux et sa barbe sont poivre et sel. Fatigué, cet étrange gaillard d’un mètre quatre-vingts, encore robuste, invente sa vie, et serait plus ou moins mythomane… Expérimenté, il parle plusieurs langues et affirme volontiers être un voyageur. Parfois, il parle de guerre, mais pas que... Cet homme généreux et séducteur, solitaire et célibataire, là où il arrive…
 
Scène 1
 
Tancrède Vélasquez, Maria, Aphrodite 
(Une chambre. L’amour de jeunesse de Tancrède est gravement malade. A leurs côtés, se trouve une jeune fille inconnue)

 Maria
 - Que viens-tu faire ici Tancrède ? Qui t'as alerté ? Tu as du remord ?
 
  Tancrède
-C'est ma sœur Eugénie qui m'a prévenu que tu étais souffrante. Comment vas-tu ?
 
  Maria
- Ça t'intéresse ?Tu te présentes comme si rien ne c'était passé !
  Tu as bien profité j'espère. Si je suis malade c'est peut -être à cause de toi.
 
Tancrède
 -Toujours aussi pétillante ! Toujours aussi jolie quand tu te mets en colère. Ta robe de chambre te va à ravir .
 
Maria
– Toi, tu as dû te gaver de cuisines exotiques ! Tu as vu ton ventre ?
 
Tancrède
- J'ai souvent pensé à toi, je n'ai pas rencontré d'autres femmes plus jolies et plus intelligentes que toi.
 
 Maria
- Ah cela ne m'étonne pas, il t’aura fallu du temps pour t'en apercevoir ! Tu es parti sans un mot, sans explication, quelle délicatesse et quel courage !
 
Tancrède
 - C'était mieux comme cela, je ne voulais pas te faire de peine. Je regrette, mille pardons .
 
   Maria
 - C'est un peu tard ! Tu es riche au moins ? Car tu me dois beaucoup d'argent. Je te présente ta fille Aphrodite qui a vingt ans, vingt ans, ça ne te rappelle rien ?
 
  (Tancrède perd de sa superbe, devient blême, il s'approche de la jeune fille et bafouille)
 
  Tancrède
- Oh, mon Dieu, si j'avais su, je serais revenu pour t'élever, ma fille. Je vais rester ici, on peut essayer de se rencontrer, discuter. Comment puis-je t'aider ?
 
Aphrodite
-  On peut toujours essayer, Monsieur !
 
 
Scène 2
Tancrède descend d’un train dans un lieu, une gare d’une région qu’il ne connaît pas. En attendant le départ, il a joué aux dés le nombre de stations qu’il doit parcourir de son point de départ jusqu’au terminus du train. Le chiffre 3 est sorti, total des deux dés : 2+1. Il s’arrêtera donc à la troisième station car il compte toujours l’endroit où il se trouve comme un début d’aventure.
Sur ce nouveau quai de gare en plein désert de ville, trois personnes semblent l’attendre. Évidemment se dit-il sans surprise…
 
Tancrède :
- Bonjour, veuillez m’excuser, le train a pris du retard. J’aime les jeux de hasard, il réserve tant de surprises.
 
Un des trois personnages s’avance pour le saluer. Un homme très distingué s’appuyant sur un parapluie noir de la city londonienne. Il soulève élégamment son chapeau melon en guise de salut.
 
Tancrède :
- Bonjour, Monsieur ! Vous arrivez et repartez de nulle part. N’ai-je pas raison ?
 
Un des deux personnages resté en retrait s’avance, une blonde platinée très désinvolte s’approche.
 
La bonde platinée
-Ne te moque pas de Monsieur, les joueurs sont mes amis quand ils ont des manières et de la beauté accrochée au visage. Ils me divertissent. Pas comme toi… Ne faites pas attention, c’est un jaloux professionnel.
 
Tancrède juste un peu étonné s’époumone dans un grand éclat de rire qui le fait tousser quelques secondes.
 
Tancrède :
- Je me présente Tancrède. Aventurier, voyageur expérimenté, totalement libre pour vous servir Madame. Si vous le voulez, je suis très féru en histoires loufoques car ma vie depuis mon enfance est complètement baroque.
 
Tancrède (Se tournant vers l’homme au chapeau avec une voix narquoise )
-Cette jolie Dame à l’air de s’ennuyer précocement, Monsieur, sans vous offenser …
 
Le Monsieur au chapeau (tout aussi désinvolte) :
- Vous ne m’offensez pas, jeune homme, mais l’âge aidant, je fais moins le fanfaron. Les choses et les gens me lassent vite. Et vous, Monsieur ? Racontez-nous pour le plaisir du romanesque et peut-être de la littérature ?
 
Une fois la parole donnée, Tancrède se projette au milieu de la place improvisée,  s’exclame)
 
Tancrède
-Madame, vous recherchez le frisson…
 
Ophélie
-Monsieur, vous ne courrez plus les jupons. Je dois vous dire que je peux vous divertir.
 
Tancrède
-Mais, en contrepartie, vous me logerez le temps que l’on fasse plus ample connaissance.
 
Blonde mais pas que, la femme s’exclame)
-Nous ne vous accueillerons pas chez nous. Nous ne vous connaissons pas. Cela dit, nous avons une studette à vous proposer. Quant au loisir et bagatelle, peut être pourrions-nous y croire, sans espérer de trop. Car je présume, vous n’avez pas le sou ?
 
Monsieur au chapeau :
-Faites-moi rêver un peu, je souffre d’une morosité récurrente. Même Ophélie ne me distrait plus.
 
Tancrède (Le message reçu cinq sur cinq, extirpe de son premier sac une bouteille de rhum qu’il remet à la femme, et de sa valise, il extrait une guitare désaccordée, puis fait mine de se préparer à se donner en spectacle.)
 
Ophélie
-Non ! Ici n’est pas le lieu de l’exhibition...Suivez-nous, vous n’êtes pas au bon endroit.
 
Monsieur au chapeau
-Est ce que vous connaissez quelqu’un ici ? Car nous, nous possédons une bonne réputation dans cette ville. Plusieurs lieux portent notre nom.
 
(Tancrède se demande s’il dit vrai. Il s’engage de la voiture du couple en se préoccupant de savoir de quoi il pourrait bien profiter dans cette histoire. La blonde est prise et l’homme, lui, est blindé. Que faire ?
 
Tancrède
-Je possède également des biens en Espagne. Vous seriez surpris à votre tour. Je viens me dissiper un peu dans l’inconnu de votre ville. Heureux de vous rencontrer, je vais faire venir pour vous les meilleurs produits immatériels. Vous allez recevoir de ma part des cadeaux qui vous ferons oublier le quotidien, tant ils sont addictophages.
Ophélie descend de la Mercédès avec classe. Devant le manoir familial ; une longue allée de lilas est à parcourir. Tancrède exulte ; l’homme au chapeau avait dit vrai.
 
Tancrède 
Excellent, pour recevoir mes amis les artistes. Je vous invite à ouvrir vos portes ce soir à mes invités et vous laisser dépayser. (A part) Visiblement c’est elle qui porte le pantalon !
 
Ophélie
-Que d’enthousiasme... Cependant, nous rentrons d’un long voyage et nous sommes fatigués. Une chambre vous sera allouée pour la soirée. Et demain sera un autre jour.
 
(Tancrède, une fois ayant diné se retire dans sa chambre, ses hôtes étant couchés, des alcools et des cigares sont à sa disposition. Il se sert un verre et un verre, un autre verre, se met à tanguer, chanter, et se débrailler. Un verre de trop et Tancrède de se mettre à chanter haut et fort la meilleure chanson paillarde de son cru.
Deux, trois heures plus tard, il est jeté dehors, Ophélie et son homme ayant entendu tant de paroles malheureuses en si peu de temps n’ont guère à cœur de le garder plus longtemps... Après avoir vomi ses tripes dans leur lit en leur présence, il se sent sale et bête; seul et malheureux.
 
Scène 3

Tancrède marche seul dans une prairie de boutons d’or qu’il cueille. « Celle-ci pour Mme Ophélie, et encore celle-ci. » Sur le chemin il s’assoit, songeur : Il souhaite partir après demain, mais quand même, Madame Ophélie mérite son attention. On ne sait jamais, si elle le retenait bec et ongle ? Il relève ses yeux d’une ombre qu’il sent passer, c’est elle. Stupeur ! Que fait-elle donc, là ? Il ne devait se voir qu’en fin de journée, ailleurs, qui plus est. À sa main les fleurs :
 
Ophélie :
-Bonjour
 
Tancrède
-Bonjour, ma belle. Je suis là pour vous, je vous cueillais des fleurs pour tout à l’heure…
 
Ophélie
-Quelle délicatesse, je ne vous imaginais pas romantique.
 
Tancrède
-C’est que bientôt je pars et je me disais, pourvu que les fleurs lui plaisent.
 
Ophélie
-Vous dites toujours que vous partez mais vous ne m’offrez jamais de fleur, alors que se passe-t-il ?
 
Tancrède
-Je suis toujours sur le départ, tellement d’opportunités m’attendent ailleurs ! Là où je me rends m’attendent travail et valeurs.
 
Ophélie
-Alors pourquoi ces fleurs ? Ne vais-je jamais vous revoir, sinon ; ne reviendrez-vous pas ?
 
Tancrède
-A vous de me le dire, mon amie ; à quoi pensez-vous lorsque vous dites cela ? Voulez-vous que je reste à vos côtés ?
 
(C’est précisément là où il veut en arriver. Il attend sa réponse avec fébrilité, toujours les fleurs à la main.)
 
Ophélie :
-Ça m’est égal, vous virevoltez au gré du vent, comment pourrais-je vous fixer ?
L'histoire est connue ; vous dites vouloir partir, et de votre vie je n’ai pas à choisir.
 
(Tancrède, fort de son billet en poche pour le train du surlendemain lui exclame )
 
 Tancrède
-Pour toi, je déchire ces billets et unie ma destinée à la tienne, si tu me laisse partir c’est que tu ne tiens pas à moi et je n’y peux rien.
 
Ophélie
-Si je te laisse partir, c’est bien au contraire que je pense à toi et à ton bonheur.
 
(Sur scène Ophélie et Tancrède. Tancrède s’approche du public, face à lui : il reprend une phrase précédente)
 
Tancrède :
- Je suis toujours sur le départ, il y a tellement d’opportunité ailleurs.
 
(Il salue la dame dans une grande révérence aristocratique)
 
Tancrède :
- Je vous remercie, Ophélie. Je vais être à la hauteur de ce trop-plein de générosité à mon égard. Je pars dès maintenant pour une autre vie, un autre chemin d’aventure, digne de vous. Je vais m’empresser de le vivre en pensant éperdument à vous, Ophélie, ma dame de cœur. Une nouvelle vie aussi éclatante de beauté, fidèle à la vôtre, pleine d’étrangeté…, De folies digne de moi…
 
(La voix de Tancrède, s’étrangle, corsetée par l’émotion que chaque mot suscite en lui.)
 
Ophélie :
- Partez vite, Tancrède. Je regrette déjà votre départ.
 
(Tancrède étourdi, tangue tout en voulant garder une fière allure de conquérant. Ophélie s’éloigne d’un pas vif pour cacher sa tristesse.)
 
Tancrède (seul, face au public) :
-Imbécile que je suis. Me voilà encore captif de mes Xièmes fanfaronnades. Foi de duperie, je suis le coco de l’histoire, un plaisantin, un orgueilleux, une girouette prise à son propre jeu. Je pars l’âme bien seule, la peur de nouveau me servira de compagne.
 
Le rideau se baisse
Autre scène, autre lieu, Tancrède.
 
(Une rue commerçante et passante, un soleil de plomb. Quelques silhouettes se croisent sans se regarder. Tancrède porte un panama, son visage est buriné, sa barbe plus longue. Il arpente la rue pour la Xième fois.)
 
Tancrède (face au public) :
-Cela fait une semaine que je déambule sur ce trottoir, loin de mon amour. La vie s’offre mais sans grand plaisir. J’achète une fleur chaque jour en pensant à elle. Je ne peux pas revenir. Est-ce qu’elle m’attend ? Je ne dois pas rentrer comme cela, désœuvré, vide de solitude, sans récit important à lui raconter.
La liberté à un coût et maintenant je dois forcer le destin pour ne pas périr. Ne suis-je pas un aventurier ?
 
 
Scène 4
Un entretien d’embauche va commencer dans le bureau d’un patron. Les deux interlocuteurs vont être assis face à face, dans cet immeuble anonyme d’une ville andalouse du sud de l’Espagne. Un poste à pourvoir. Tancrède va essayer de convaincre l’autre. Ils sont évidemment sous le soleil terrible…
 
On a dit :
-Entrez, je vous en prie. Justement, je vous attendais, bonjour.
 
Tancrède
-Bonjour Monsieur, merci…
 
Le patron
-Asseyez-vous, je vous prie. Que me vaut cette rencontre ?
 
Tancrède
-J’aimerais postuler, pour le poste de gardiennage de jour, comme de nuit. Ma démarche fait suite à la fermeture définitive de mon ancienne société…
 
Le patron
-Pouvez-vous me renseigner sur votre ancien poste ?
 
Tancrède
-J’ai accumulé une grande expérience dans la conduite des travaux de chantiers...
 
Le patron
-Quoi d’autre ?
 
Tancrède
-Je parle français, en plus de l’anglais et un peu de portugais. J’aime la langue espagnole et le sport, oui, j’aime pratiquer le sport, quand j’ai un peu de temps libre…
 
Le patron
-Est-il important pour vous de gagner assez d’argent ? Que ce soit pour subvenir à vos besoins, ou pouvoir vous payer certaines choses qui demandent à posséder suffisamment d’argent pour s’acheter ce dont vous avez envie…
 
Tancrède
-Oui, bien sûr, pour être franc !
Le patron
-Alors, rassurez-vous. Je vous embauche, vous commencerez demain ! Au revoir, bonne journée et à demain !
 
Tancrède n’en revient pas et marche comme un somnambule !
 
 
Scène 5
Tancrède, assis au sol devant un bar, avec une bouteille de rhum à la main, chuchote des mots doux à la femme peinte sur la pancarte du bar. Tancrède est devant le comptoir.
 
Tancrède 
- Alors tu nous le sors ton rhum ambré ?
 
(Tancrède regarde l’escalier qui mène à la cave avec ses yeux bleus d’un homme qui connaît la vie des femmes.)
 
Albert le cafetier :
- Le punch n’est pas encore à maturation pour le boire ! C’est trop tôt
 
Tancrède :
- Je ne comprends pas, c’est toi qui m’as fait la proposition de le goutter ?
 
Albert le cafetier :
 - Et alors ! Bois autre chose, mon ami.
 
Tancrède : (affalé au bar)
- C’est toujours pareil, toi comme elle, vous n’avez aucun sens de l’honneur…
 
Albert le cafetier :
 Non, Tancrède, je ne peux pas te laisser dire cela…
 
Quelqu’un sort du bar et bouscule Tancrède :
 
Tancrède :
-Eh ! Retourne-toi, soldat ! Saleté de brute.
 
Tancrède titubant se rapproche de la personne pour la taper.
 
Tancrède :
-Oh mais c’est une femme, ma jolie femme… Ma foi j’étais plutôt bel homme, même aujourd’hui à quarante ans !
 
Femme :
-Laisse-moi tranquille saleté d’homme.
 
Tancrède :
-Ouah…. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi sublime que toi, tu sais ! Pas même la princesse de Monaco. Je la connais, tu sais, la princesse de Monaco ! Elle aime beaucoup ma petite barbe, signe de virilité dans son pays.
 
La jeune femme reste immobile et ne répond pas, les bras croisées. Tancrède se rapproche d’elle et elle ne s’éloigne pas, semblant vouloir l’embrasser.
 
Tancrède :
-Tu sais j’ai connu la reine d’Angleterre, je lui faisais, à sa volonté, du thé au lait. Faut dire qu’elle en buvait du thé au lait, parfois arrosé de rhum. C’est quoi ton nom, ma belle ?
 
Femme :
-Sofia !
 
Tancrède :
-Sofia ! j’y vais bientôt à Sofia d’ailleurs, le ministre de la Cuisine m’a invité à manger l’un de ses plats préférés.
 
Sofia :
-Foutaises, tu ne racontes que des mensonges …
 
Tancrède :
-Mais, dis-donc, comment un vétéran de la guerre comme moi pourrait mentir ?
 
Tancrède se fait bousculer de nouveau et un bras musclé et tatoué le tient fermement l’épaule. Il tente de se libérer de cette ferme poigne en vain, il titube.
(C’est dur d’être saoul).
 
Tancrède :
-Mais lâche-moi, imbécile ! J’en ai connu des gaillards comme toi au front, je les ai tous battus ! Je suis fort, plus fort que toi… Je suis un aventurier, un voyageur, un guerrier… Un séducteur de belles femmes comme Sofia chérie.
 
(Un coup dans la joue et Tancrède tombe par terre. Le plus fort, mon œil…)
 
Scène 6
(Tancrède se réveille sur un trottoir, le soleil brille de mille feux et rend presque aveugle le pathétique voyageur. )
 
Tancrède :
-Oh purée, ça ne rigole pas, la gueule de bois.
 
(Un homme le tape avec sa canne sur la jambe. Puis la tête, l’épaule et le ventre. )
 
Tancrède :
-Mais laissez-moi tranquille, vieil homme, je suis vivant ça ne se voit pas ?
 
Vieil homme :
-Ferme-la, Il est deux heures passées, réveille-toi, au boulot !
 
Tancrède :
-Mais il est fou ce vieux crouton ? Qu’est-ce que vous me racontez-la, hors de ma vue.
 
Vieil homme :
-Honte à toi de parler à son aîné de cette façon, de mon temps on léchait les bottes des vieux. Oui ! C’est à ce point qu’on était poli !
 
Tancrède :
-Bon vous me voulez quoi ?
 
Le vieil homme tape la tête de Tancrède avec plus de force.
 
Tancrède :
-Purée mais lâchez-moi idiot ! Je vais appeler les agents secrets du gouvernement j’ai leur numéro !
 
Tancrède tente de se relever mais retombe sur ses fesses (Oh le pathétique saoul) Il sort de sa poche troué un sachet de pièces d’argent et le tend de sa main tremblante mais robuste, au vieil homme :
 
Tancrède :
-C’était ça que vous vouliez, tenez, hors de ma vue maintenant.
 
Vieil homme :
-Eh, ferme-la, idiot, je le connais mieux que toi le gouvernement, je suis vétéran de la guerre !
 
Tancrède plisse les yeux, se donnant l’air de reconnaître le vieil homme
 
Tancrède :
-Oh, mais… C’est toi Léo ? Oh bah, tu as bien vieilli, dis-donc…
 
Le vieil homme le tape encore plus fort avec sa canne et Tancrède tombe raide contre le sol sale de la ville espagnole.
 
Scène 7
Tancrède se réveille sur son lit, transpirant. Sa mère se rapproche de lui avec une serviette mouillé d’eau froide l’air inquiète.
 
Mère :
-Oh, mon pauvre idiot… Saoul jusqu’aux os.
 
Tancrède garde les yeux fermés bien que très déjà réveillé.
 
Mère :
-Ce n’est pas tout, mais raconte-moi alors … La Russie comment c’était ? Le président a dit oui à ma demande ?
 
Tancrède se lève plus rapidement cette fois-ci et regarde sa mère.
 
Tancrède :
-De quoi est-ce que tu me parle ?
 
Mère :
-Bah, tu es allé en Russie ? Non ? Tu es bien parti demander ma main au Président puisque tu le connais bien.
 
Tancrède :
-Ah, le président… Euh … Oui, évidemment … Alors il a dit oui.
 
Tancrède (plus transpirant encore )
-Je t’envoie le rejoindre en Russie dans deux jours, donne-moi de quoi lui écrire.
 
Sur une feuille il écrit.
 
Tancrède :
-Kiev, Moloshtov, Krac, Groug, Goulag, Kalashnikov, Glag. Voilà, je lui enverrais.
 
(Ah ce sacré Tancrède, plus hâbleur, ça n’existe pas)
 
 
Scène 8
 Tancrède est de retour dans sa ville natale. Nostalgique de sa jeunesse, bien que celle-ci n’ait rien eu de si extraordinaire qu’elle vaille d’être racontée. A l’occasion de son escapade, il s’arrête un moment devant son lycée. (L’air pensif).On l’apostrophe soudainement, le sortant de ses flash-backs, il sursaute. Comme pris en flagrant délit d’on ne sait quoi.
 
Un Homme en bleu :
-Hey ! Tu n’as pas changé d’un cheveu, mon ami ! La barbe en plus. Elle te donne l’air d’un baroudeur.
 
Tancrède :
-Tu ne crois pas si bien dire …
 
(Tancrède se retourne subrepticement pour cacher son embarras et marmonne dans cette fameuse barbe) 
Tancrède
-D’où sort-il, celui-là ? Son visage, sa voix .me sont inconnus. Ne me rappellent rien. Comment peut-on changer autant  ?
 
Tancrède (reprenant devant son ami un visage avenant et jovial) :
-Tu sais, si physiquement je suis resté le même qu’il y a vingt ans, ma vie, elle, s’est métamorphosée, après que j’aie touché un héritage, ma foi assez confortable. Ce tremplin m’a permis de faire mon premier tour du Monde…
 
L’ Homme en bleu  : (air admiratif)
 -Tu as fait plusieurs Tours du Monde, waouh !
(En riant) D’où la barbe de baroudeur… Ah, ah, ah !
 
Tancrède :
-Tu es toujours aussi drôle !
 (Il se retourne en aparté avec une moue moqueuse) 
-Je ne me souviens pas du tout s’il était drôle ou pas, ce garçon.
Puis prenant un air totalement blasé ) :
-Par la suite, j’ai créé ma première société, puis une seconde, puis une autre…et une autre, et à chaque fois j’ai fait accroitre ma fortune.  Enfin, tu vois ce que je veux dire, les affaires , quoi…
 
L’Homme en bleu (perplexe) :
-Heu …Pas exactement, mais tu as bien réussi. Moi je suis resté dans le quartier et je suis électricien, je suis connu de toute la ville.
 
Tancrède (le flattant) :
-C’est un beau métier mon ami, tu illumines les foyers, les familles ! Mais tu rencontres toujours les mêmes personnes …Cela ne te pèse pas ?
 
L’ Homme en bleu :
- Ce n’est pas faux. Mais je suis heureux comme ça. Et toi, tu as fait de belles rencontres au cours de tes périples ?
 
Tancrède :
-Oh, j’ai évolué longtemps dans la bonne société Set mais je m’en suis fatigué … Après mon adhésion au Lyon’ s Club, j’ai été tellement sollicité que j’ai pris des vacances durant un an pour m’en reposer.
 
L’Homme en bleu :
-Excellent ! Quelle chance et quel parcours, bravo !
(Brutalement les sourcils de Tancrède se soulèvent, il vient de se rappeler le prénom de son ami.)
 
Tancrède
-Merci, Philippe, il est vrai que je n’ai jamais eu à me plaindre.
(Il trépigne un peu sur place, voudrait se débarrasser du Philippe en question, sans intérêt pour lui).
 
Philippe :
-Eh bien, écoute Tancrède, je crois que tu es ma bonne étoile ! Peut-être pourras-tu m’aider dans mes difficultés. Temporaires, je te rassure.
 
Tancrède (une moue mi-inquiète mi-étonnée)
-Heu…je ne sais pas …En quoi pourrais-je t’aider ?
 
Philippe : (l’air très gêné se balançant d’un pied sur l’autre)
-Si tu pouvais me prêter un peu d’argent …500…je te les rendrai rapidement, et si je me permets de te faire cette requête c’est que je pense que 500 € sont une goutte d’eau pour toi.
 
Tancrède :
Mais bien sûr, Philippe ! Aucun souci. Retrouvons-nous ici demain à la même heure.
 (Il songe déjà à quitter la ville !)
 
Philippe (la mine réjouie) :
-Tu es un frère pour moi ! Viens, je t’offre un café au coin de la rue.
Invitation que Tancrède accepte volontiers (mine soulagée): Il n’a pas un sou en poche! Et rien à faire de sa journée
 
Changement de lieu
 
Ils pénètrent tous les deux dans un bar peuplé d’une clientèle belote et PMU.
Ils s’installent en vis à vis, Tancrède face au bar et son regard se fige.
Il commence à transpirer. Si sûr de lui, d’habitude. Il vient de reconnaître dans le barman un type avec lequel il a partagé quelques nuits sou les ponts il y a deux ou trois ans …
 
 
Scène 9
 Tancrède est pressé de déposer sa paire de bottes chez un cordonnier. Il s’exécute, puis il décide d’aller prendre un verre de rhum ambré à l’auberge d’un ami qu’il connaît bien. Il est d’humeur joviale et sur le trajet, il prend le temps de savourer un bon cigare de La Havane, un endroit qu’il affectionne tout particulièrement pour sa musique, la salsa qu’il aime danser et tous ses clubs de jazz …Il arrive devant l’échoppe et ouvre joyeusement la porte en chantonnant comme un ténor espagnol, besame, besame, mucho …
 
Le tavernier :
-Ola, amigo Tancrède ! Il y a bien longtemps que tu es venu nous rendre visite ? Quel bon vent t’amène ?
 
Tancrède :
-J’étais sur l’ile de Majorque pour affaire et un juteux commerce de perles, mais avant cela,  sers-moi donc un bon vieux rhum ambré que je te raconte un peu mes dernières péripéties cubaines. Ma sortie en mer sur une vieille barcasse pour une pêche extraordinaire où j’ai pu attraper des langoustes de plus d’un mètre… Euh, oui, facile, voire un peu plus … Sur ma droite, des espadons, à gauche des bans gigantesques de merlus…. J’en ai ramené des kilos ! Ensuite, nous sommes allés sur le célèbre Malecone à Cuba pour fêter ça, nous étions huit dans une limousine décapotable à siroter de bons breuvages. Viva la vida !
 
Le tavernier :
-Ne t’enflamme pas trop, amigo, pense plutôt aux affaires. D’ailleurs à ce sujet,  il y a plusieurs mois maintenant qu’un marin portugais a déposé ici quelques barriques d’un alcool étrange aux arômes agrumes épicés. Peut-être pourrions-nous le goûter ensemble et nous en procurer d’autres en vue de le vendre ?
 
Tancrède :
-D’accord pour la dégustation surprise, mais ce soir ! Je ne bois jamais en chaussettes, au ras du plancher !
 
Le tavernier (en s’amusant)
-Tu as vendu tes bottes, ma chère Langouste ? Je peux te prêter des savates, ma Langoustine géante !
 
Tancrède :
-Si tu te moques de moi, je ne dirais plus rien…
 
Le tavernier
-Tancrède deviendrait silencieux ? Muet, ma chère Carpe… Je ne le crois pas…
 
Tancrède
-Je sais être mutique, marchand d’Ivresse ! Il faut se méfier des facettes laissées dans l’ombre… Enfant, je ne disais jamais rien à personne…
 
Le Tavernier
-Tu t’es rattrapé, camarade ! Avec l’ami Tancrède, c’est Conférence perpétuelle ouverte sur les galaxies, parole, on apprend, on se cultive, on se régale… Viva la vida, le Cubain sans chaussures, le raconteur de mondes délabrés…
 
(L’auberge s’est remplie. Des buveurs se sont installés aux côtés de l’aventurier. Tous l’écoutent. Soudain la femme de l’aubergiste entre dans la salle en faisant de grands gestes.)
 
La tavernière
Ola, Tancrède del Sol ! Tu es toujours aussi beau à regarder, amigo… Un conseil cependant, méfie-toi du breuvage que mon homme veut te faire goûter. Les trucs de sorciers sont des gâcheurs de santé !Tiens, j’ai entendu tout à l’heure, prends ces savates…
 
Tancrède
-Merci belle Rosa ! Je serai prudent et cracherai le liquide et mes dents gâtées…
 
(Un client se plante devant Tancrède)
 
Le client :
-Il me semble t’avoir vu descendre le cours du Tage sur un voilier métèque, un truc maltais plein de signes incompréhensibles peints sur les voiles… C’était bien toi, le voleur de Lisbonne qui s’est fait la malle avec les bijoux d’une cantatrice de Saint-Domingue, il y a trois ou quatre ans…
 
Tancrède
-Je n’aime pas que les autres racontent ma vie ! Ma foutue vie de galères, c’est mon fonds de commerce, mon gars ! Je la raconte si je veux, je me tais, recommence, mais le témoin de mes faits et gestes, c’est toujours moi, c’est compris ?
 
La Tavernière
L’aventurier voit rouge quand on lui emprunte ses répliques ! Ton caractère de goret ne s’est guère embelli, caballero, faudrait apprendre la tempérance…
 
Le tavernier
-Raconte-nous le Tage, amigo, l’Espadon de la romance, le Merlu du grand fleuve…
 
(Soudain le cordonnier entra dans l’auberge)
 
Le cordonnier
-Les péniches du Condottiere sont prêtes ! Tu viens les chercher, Tancrède, ou je les vends à quelqu’un d’autre ?
 
Tancrède
-Sans mes bottes, je perds le rythme, vous l’avez bien vu, alors salut, je me trisse sur le côté, je reviendrai ce soir danser avec Madame Rosa quand son mari sera fin saoul, on en profitera nous deux, et toi, le Malin de Lisbonne, je te conseille de ne pas être de l’assistance, pour éviter de te noyer dans un lavabo, comme le type de Bilbao, l’hiver dernier… En attendant prends ce billet, l’aubergiste, et rince la dalle à tous ces gobeurs d’aventures, leur silence appuyé a dû leur donner soif…
 
 
Scène 10
 Tancrède, une vieille femme
(Aux pieds de l’ancienne forteresse, Tancrède s’est endormi, entre ivresse et rêverie. La mer tape avec force sur le bas des remparts. C’est marée haute, l’océan est superbe, ce soir. Une vieille femme vêtue de noir s’approche du dormeur. Elle le bouscule, crie…)
 
La vieille femme
-Faut pas dormir là, l’étranger… La mer est forte à la tombée de la nuit, c’est dangereux...
 
Tancrède (il la regarde, se secoue un peu)
-Foutez-moi la paix ! Et si je souhaite la caresse des vagues ? C’est moi droit de paumé universel qui est bien las de courir le mode !
 
La vieille femme  (d’une voix plus douce)
-Je vous en prie, étranger ! Faites attention, cette marée est bien rapide, dangereuse, je vous dis…
 
Tancrède
-Je n’ai pas décidé de me laisser mourir, juste dormir sous les embruns… Ma vie est sale, sale, je voulais la nettoyer, la laver, tout à l’heure…
 
La vielle femme
-Si vous ne savez pas où dormir, je peux vous conduire chez moi, c’est grand, il y a toujours un lit vide pour les abandonnés et les voyageurs…
 
Tancrède (il se redresse, se lève, s’approche de la vieille femme)
-Abandonné ? Voyageur ? Ça me va bien, vous êtes magicienne ? Ou vous connaissez les faiblesses humaines ? Je veux bien vous suivre, M’dame, mais je fume…
 
La vielle femme
-Ce n’est pas gênant ! Les voyageurs sans feu ni lieu fument souvent pour se réchauffer les mains, l’âme aussi…
 
Tancrède
-Ça fume, la fumée, celle des incendies aussi… Ma ville a brûlé entièrement, je suis un abandonné, un voyageur mais aussi un rescapé !
 
(Maintenant, ils avancent vers le port, Tancrède tient le bras de la vieille femme. Il chante)
 
Tancrède
-Partir à l’aventure, quitter le confort, s’éloigner des attaches du port, guetter le vent à l’embrasure, la laisser là les bras ouverts, quitter sa belle sans remord,
Voyez comme je danse, la vieille… Venez, suivez mes pas, M’dame… C’est la fête de la Renaissance et ma foi, je vous la dois !
 
La vieille femme
-Avançons, ce n’est pas tout près… C’est quoi votre nom ?
 
Tancrède
-Tancrède ! Et le vôtre ?
 
La vieille femme
-         Tania-Maria…
 
(Quelques pas plus tard; dans la ruelle des chats)
 
Tania-Maria
–Nous y voilà, Tancrède. Veuillez entrer dans ma modeste demeure ! Mettez-vous à l’aise pendant que je vous prépare une collation.
 
Tancrède
- Vous êtes bonne et votre douceur me rappelle combien il est agréable de se sentir choyé.
(Tout en remettant quelques bûches pour activer les braises de sa cheminée, Tania-maria s’interroge sur le rescapé de l’incendie).
 
Tancrède
-Vous vivez seule ?
 
Tania-Maria
-Oui, hélas ! Mon fils et mon mari ne sont jamais revenus de leur pêche, il y a vingt ans de cela .Un terrible drame dont mon âme restera à tout jamais meurtrie. Alors depuis, je propose le gîte et le couvert pour quelques pésos et rafistole, çà et là, de pauvres filets usés…
 
Tancrède
-Le feu qui crépite dans la cheminée fait écho à l’embrasement de l’écurie où je travaillais comme dresseur de chevaux…
Attention pas n’importe quelle écurie ! Oui, Madame, je me présente, Tancrède Vélasquez de l’écurie royale, ambassadeur des purs-sangs d’Andalousie !
Un animal au caractère gentil, à la robe grise soyeuse, ayant un fort mental, robuste. En somme, un peu comme moi !
 
Tania-Maria
-Il est vrai qu’en vous regardant d’un peu plus près, je vous imagine bien aux cotés de ces créatures…vous deviez avoir fière allure. Mais alors, tous ces chevaux dans l’écurie, que sont-ils devenus ?
 
Tancrède
-Malheureusement, je crains que peu d’entre eux aient survécus. Quel gâchis !
(Il pleure maintenant, pleurniche même). Sans compter les représailles, la colère de Philippe II d’Espagne. Je vais devoir songer à me cacher si je tiens à ma tête, l’échafaud me guette…
 
Scène 11
L'écume caresse le corps de Tancrède, allongé sur le sable. La fraîcheur d'une vague titille sa joue. Le vent se lève, influençant les courants des baïnes. Quelque chose heurte violemment le pied de Tancrède. Surpris, il se met en colère et se lève d'un bond, écarquille les yeux, se penche, s'accroupie... aperçoit une bouteille. Il l'empoigne, souffle sur l'écume et ... découvre un parchemin délicatement enroulé à l'intérieur. Un bruit retentie, la bouteille roule. Une voix s'écrie :
 
Flora, la sirène :
-Délivre-moi !
 
Tancrède :
-Oh là, là, hier soir, l'écume avait bien le goût du rhum arrangé ! J'ai vraiment le cerveau embrumé... Bon, il est grand temps de regagner la terre ferme, un bon lit douillet m'attend, je vais me pavaner en rêvant à mes futures conquêtes !
 
Sur ce, il se retourne.)
 
La sirène, Flora:
-Ne part pas !
 
Tancrède : (se laisse choir, interloqué !)
 
La sirène Flora :
-Délivre-moi, je souhaite te voir !
 
Tancrède :
-Un parchemin musical ?
 
(Flatté, il prend la bouteille, ôte le bouchon, aussitôt, une sirène pétillante à souhait surgit. Secouant sa longue chevelure ondulante, la belle ensorceleuse l'éclabousse, grandissant tout d'un coup jusqu'à retrouver belle allure, c'est à dire, un bon mètre-quatre-vingts, irrésistible. Charmé, le séducteur impénitent contemple, puis dévore des yeux... Subjugué, il tente une approche, en lui demandant son prénom.)
 
La sirène Flora :
-Flora
 
Tancrède :
-Puis-je m'inviter dans votre univers enchanteur, chère Flora ?
 
(Tancrède n'a qu'une envie, la faire tanguer sur son voilier. Le vieux Loup de mer,  rusé, imagine déjà un stratagème pour étourdir la belle.)
 
La sirène Flora :
-Je suis partie de mon île, il y a plusieurs lunes. Égarée dans la tempête, je me suis réfugiée dans cette bouteille pour échapper à un serpent de mer affamé ! Je dois rejoindre mon île.
 
Tancrède :
-Oui, mais en attendant, vous allez succomber à ma pêche miraculeuse. Brochettes de langoustines géantes, flambées au pastis, non je veux dire à l'anis.
 
(Il est prêt à tout pour la prendre dans ces filets.)
 
La sirène Flora :
-Oh, je me souviens de toi, Tancrède, on te surnommait alors « Le Casanova de Bilbao ! »
 
Tancrède :
-Crois-tu ?
 
La sirène Flora :
-Certaine, j'ai ouï dire, lorsque tu es au large, que tu aimais cueillir les fleurs sauvages ? Un vrai romantique !
 
 
Epilogue
 Laissant la belle sirène s’enfoncer dans les vagues et gagner le large, Tancrède s’éloigne de la plage. Il se pense totalement perdu dans les méandres sans fin de ses inventions. Le temps passé loin des siens lui a appris la rudesse destructrice de la solitude, mais une chose simple lui semble certaine, il aurait une fille ! Enfin, quelqu’un qui sera sienne…
D’ailleurs, il en avait parlé à Tania-Maria, un soir, et elle lui avait demandé s’il pouvait la retrouver, et où elle se trouvait. Mais, pourrait-il retourner vers Aphrodite ?
Il se sent de plus en plus seul, pourtant maintenant il marche d’un pas apaisé, avançant sans crainte vers la suite de sa destinée.
Après de nombreuses rencontres, péripéties et errances sordides, Tancrède retrouve sa fille, un soir d’été. Oui, dans le petit jardin fleuri de la vieille Tania-Maria, une surprise attend le baroudeur. A l’insu de l’aventurier, la vieille femme avait contacté la jeune Aphrodite. Pour elle, il n’était pas possible d’imaginer un père reniant son enfant, elle qui avait tout perdu…
En dévisageant la jeune fille, Tancrède se dit alors qu’elle ressemble étrangement à Flora, la jolie sirène… Il décide alors de reprendre sa vie en main et dans l’instant, il pense que renouer avec sa fille Aphrodite est son plus beau rôle. Hélas, il pense qu’il n’a rien à lui offrir d’autre qu’une foison d’inventions…

Et s’il en faisait un roman ?