Proposition d’écriture à distance du 22 janvier 2021
 
Nicolas Bouvier Poète, photographe, conférencier… (1929-1998)
L’usager du monde, libre et sans but…

« Je suis follement visuel » aime-t-il à répéter. Nicolas Bouvier ne veut pas se perdre dans le confort matériel et intellectuel de son milieu. Il préfère voyager et écrire, voir et parcourir le monde. « Il faut bouger car seul le voyage guérit de l’égoïsme, du mirage matérialiste, des certitudes faciles et de la déchéance physique. »
Le jeune Nicolas a besoin de se confronter aux épreuves du monde.
À dix-huit ans, été 1948, il quitte sa famille et la Suisse pour le Grand Nord, la Laponie. De sa première marche à pieds en solitaire, il découvre la liberté.
À son retour, il confie : « Je ne pensais pas pouvoir être si heureux. »
1953, second objectif : départ pour l’Inde pour un périple de seize mois en voiture avec son meilleur ami le peintre Thierry Vernet. Vernet dessine, Nicolas a du mal à écrire, il préfère photographier visages et paysages :
« Être heureux me prenait tout mon temps ! » confiera-t-il. Les deux amis se quittent au bout d’une année. Nicolas Bouvier retrouvera la solitude et la dèche.
Pour survivre, il se mue en journaliste et vend le récit de son périple. Il fume et boit trop, la folie le menace. Gagner le Japon devient son obsession, son salut. Il obtient un visa de reporter. Le Japon l’apaise, marcheur infatigable, il engrange dans chaque quartier, chaque contrée, matière pour sa chronique japonaise.
Il effectue à pied, une ombrelle à la main, les cent quarante kilomètres qui séparent Nagoya de Kyoto, photographiant paysans et rizières. Fin décembre 1956, il regagne Genève avec toute la matière des livres qui le feront connaître.
    
Biblioraphie :  
L’usage du monde - 1963 - Chronique Japonaise - 1975 - Le Poisson-Scorpion - 1981

Première proposition d’écriture
Reprendre à son compte la phrase étonnante de Nicolas Bouvier : “Je ne pensais pas pouvoir être si heureux”… Pour raconter un moment fabuleux où le bonheur fut si intense, si présent que l’émotion ressentie reste encore présente en vous.

Deuxième proposition d’écriture
Le bonheur et la marche sont indissociables pour Nicolas Bouvier. Faites le récit d’une marche où le paysage devient un élément romanesque, une découverte poétique ou énigmatique.

Troisième proposition d'écriture
Voir est la récompense du marcheur pour Nicolas Bouvier. Qu’avez- vous vu de si important pour le partager avec nous… ?
 
un moment de bonheur intense / Cécile
 
 
 La marche est un moment de bonheur intense. Pour cela, elle doit être sans but, ni pourquoi. Au départ, les milliers de pensées envahissent mon esprit. Puis de pas en pas, elles s'étiolent. Mon regard, enfin, se perd dans la magnifique science de l'environnement.
Ce dernier vibre de multitudes. Il me transmet l'atmosphère et l'ambiance du lieu.
 Je suis légère, je rencontre le monde et moi-même en dedans. Dans un état de transe émotionnel lié au parcours, il suffit alors que l'écureuil passe et la magie opère.
 Je me sens privilégiée d'être là où je suis.
 La marche délicieuse se déroule et libère en moi toutes les énergies négatives pour laisser place au bonheur d'être là, ici et maintenant.
 C’est alors que le clapotis des gouttes réunies dans la fontaine m’appelle au voyage.
 Je m’envole pour la mer, toujours à la Rochelle, je ressens les embruns par suggestion. Je m’envole toujours plus loin dans ma vie intérieure et mon vécu.
 L'analyse de ces moments est plus fine, plus détachée, je suis dans un état de Paix.
 Je me pose un temps sur le banc et j’observe.
Le passage n’est pas incessant, le temps est comme suspendu aux rayons de soleil qui m’inondent.
Je croise le regard de cette humanité qui n’est pas moi mais qui me ressemble de toute part.
Mon voyage est terminé, je rentre chez moi. Le flux de pensée m’envahi à nouveau mais la marche accomplie m’a comblée de bienfait.

 LES ECRIVAINS MARCHEURS / Joël

Pour Nicolas Bouvier le bonheur et la marche sont indissociables.
Pour Jean Giono « Si tu n'arrives pas à penser, marche ! Si tu penses trop, marche ! Si tu penses mal ? Marche ! »
Je partage ses deux avis, j'ai toujours aimé marcher, et en retraite, je marche entre une heure trente et deux heures par jour avec mon petit cocker.

La marche pour moi, est essentiellement la rencontre avec la nature, la forêt, les arbres, un cours d'eau, un torrent, des fleurs, des odeurs, la montagne, la mer. C'est aussi, et cela est important, un moyen de déconnecter et de rêver. Enfin et ce n'est pas négligeable, un exercice physique recommandé. La marche facilite le rêve, le rêve d'une vie meilleure ou différente, des fantasmes. Je peux me transformer en un écrivain lauréat du Goncourt, en le meilleur joueur français mondial de football, en une idole de la chanson ou du cinéma ayant une aventure amoureuse avec ? ou dans des voyages pour des destinations que je souhaite visiter un jour. Si le bonheur est journalier, le bonheur intense au sens de Nicolas Bouvier « Je ne pensais pas pouvoir être si heureux » je l'ai ressenti à quatre reprises. En visitant les îles de Porquerolles et Port Cros, Au Grand Canyon et aux chutes du Niagara aux États-Unis, en Égypte devant le temple d'About Simbel…
 
Le tour de l'île de Porquerolles, réservé aux piétons et aux cyclistes est de dix kilomètres. Située dans le golfe d'Hyères, elle bénéficie d'un ensoleillement presque quotidien délicieusement rafraichi par l'air marin. On y trouve trois domaines viticoles de grande renommée classés « vins des Côtes de Provence ».
Classée « Cœur du parc national » Porquerolles protège, replante, étudie les cultures méditerranéennes grâce à son conservatoire botanique. On se promène parmi une multitude de plantations.
Des paysages sublime vous amènent à interrompre votre marche sur le sentier très souvent, pour prendre un petit chemin et admirer les falaises qui tombent à pic dans la mer, les calanques, gorges, caps et petits monts. Depuis le phare la vue s'étend sur 360 degrés sur l'île et la mer.
À l'intérieur des terres s'étendent des mosaïques de vignes, d'oliviers, d'arbres fruitiers, citronniers, orangers, mandariniers. La plupart des pistes sont ombragées et nous épargnent ainsi des coups de chaud. La pinède étale ses dégradés de vert qui se mélangent avec les fleurs blanches et les fruits rouges des arbousiers. Les cigales se joignent à ses paysages somptueux pour vous rappeler que vous êtes bien en Provence et non pas dans une île paradisiaque à l'autre bout du monde. On y trouve des espèces rares et nicheuses comme le goéland niché, le faucon pèlerin, le puffin. Ainsi qu'une population d'invertébrés…
 
Au cours de notre promenade, nous passons près du phare, l'un des plus puissants de la Méditerranée, puis près des forts Alycastre et du grand
 Langoustier, la baie de l'Alycastre étant le berceau de la plus célèbre légende Porquerolles. Le fort de la Repentance est enterré et a été la place forte pour la défense de l'île. Et est en rénovation faite par une communauté monastique orthodoxe. Le moulin du bonheur, trois plages dont la plage Notre Dame élue la plus belle plage d'Europe. On peut donc se baigner pour se rafraîchir pendant la randonnée.
Avec ma petite sœur, sur le chemin on a récité le poème de Gabriel Dassonville : Plénitude matinale, olfactive perception, richesse arborescente, unique paradis, rouge soleil couchant, ondulant sur les flots, les racines des pins, longent le littoral, enlaçant la merveille, silencieuse ingénue. Puis la chanson de Loïc sur l'île : Bicyclette à la semaine, Séraphin le fort de la repentance, Véronique le Pélican. Il y a des écoles qui n'apprennent pas, entendez celles qui font vivre et celles où il fait bon vivre.
 
Et pour nous amuser, on s'était mis à interroger les randonneurs que l'on croisaient ou que l'on dépassaient.
- Connaissez-vous la légende des îles d'or ?
La plupart ne connaissait pas et avec plaisir écoutait ma petite sœur raconter cette légende. Le prince Olbanius avait quatre filles qu'il chérissait et dont la beauté n'avait d'égale que leur adresse et leur agilité. Un jour elles s'étaient éloignées du rivage et un bateau pirate se mis à les pourchasser. Le père qui assistait à la scène, sur la plage implora les dieux pour qu'elles soient épargnées. Alors que les pirates allaient monter dans le bateau, les princesses virent peu à peu leurs membres se figer, leur corps se changèrent en pierre.
C'est ainsi que les trois sœurs formèrent les îles d'Or, la quatrième Giens. Tous s'accordent à croire que les îles ont conservé l'incroyable beauté des princesses. Par ailleurs un animal fabuleux établi dans la baie de l'Alycastre hante l'île depuis Porquerolles. Comment vont-ils s'en sortir ? Il sort la nuit et particulièrement les nuits de tempête.
 
Après avoir mangé sur la plage, une petite sieste s'impose et là, bercé par la bise et l'air marin je me mets à rêver.
Je suis un modeste pêcheur mais je sauve les princesses de l'île, et l’une de ces jolies dames déclarent qu'elle est amoureuse de moi et qu'elle souhaiterait se marier. Le prince ne voit pas d'un bon œil ce projet et me dit :
-  Si tu veux épouser ma fille tu devras avant tuer l'animal fabuleux. 
La nuit suivante une tempête gronde, et je pars en bateau pour chercher ce monstre. Bien sûr, après plusieurs heures de combat, je triomphe et me marie avec la princesse Grâce qui reçut comme cadeau de son père la principauté de Monaco.
 
Terre d'artistes et d'écrivains, cité d'inspiration, d'illustres auteurs ont fait courir leur plume et leur imagination depuis leur chambre du grand hôtel ou assis sur un banc.
C'est le cas de Joseph Conrad qui évoque la presqu’île dans sa dernière œuvre « Le frère de de la côte », Robert -Louis Stevenson écrit plusieurs de ses romans dont le prince Otto au grand hôtel en 1884. L'île a également accueilli Alexandre Dumas, Lamartine, Léon Tolstoï, et Saint -John Perse découvrit les îles de Giens.
 Un véritable bonheur, le paradis sur terre !
"Je ne pensais pas pouvoir être si heureux" / Colette
 
Reprendre à son compte la proposition de Nicolas Bouvier, raconter comment un moment fabuleux fut si intense, si présent que l’émotion ressentie reste encore présente en vous.
 
Je me souviens de ce jour à la fois loin et si ancré dans ma mémoire où j’ai gardé pour la première fois ma petite fille, quelques heures durant.
Pourtant elle avait dormi la plus grosse partie du temps, où mon fils me l’avait déposée.
Elle était si jolie dans son petit transat, si frêle et souriante dans son sommeil, que les larmes me sont montées aux yeux, encore plus que le jour de sa naissance, où je n’avais peut-être pas encore réalisé quel immense cadeau nous avions reçu !
Avant qu’elle s’endorme dans mes bras, elle a un peu pleuré comme tous les bébés puis s’est calmée et s’est assoupie.
Ses rêves devaient être agréables car elle souriait dans son sommeil et il me vient en tête une photo d’un autre jour où ses parents l’ont surprise dans son sommeil remplie de merveilleuses choses, puisqu’elle était béatement souriante, sans doute repue, partie voleter dans les songes.
 
Et cette après-midi d’hiver me fut un bonheur parfait, car même court, ce moment avait été si intense, cette communion avec ce petit être si grande, que j’avais encore les yeux brillants plusieurs heures après.
Je lui avais parlé, lui disant qu’elle était belle comme un ange, comme la princesse qu’elle allait devenir.
J’avais doucement embrassé le bout de ses doigts minuscules, n’osant pas lui donner un vrai baiser de peur de la réveiller et j’avais remercié cent fois son père de me l’avoir confiée, un jour d’hiver où il faisait gris.
 
La lumière avait soudain envahi le salon, grâce à cette présence, cette vie minuscule, et mon cœur avait débordé de bonheur.


 PROMENADE DANS LE BOIS DE BROU-SUR-CHANTEREINE / Noëlla 

 
J'ai choisi la deuxième proposition. Le bonheur et la marche sont indissociables pour Nicolas Bouvier. Faites le récit d'une marche où le paysage dévient un élément romanesque, une découverte poétique ou énigmatique.
 
Métamorphose

La voûte céleste se dévoile, immaculée d'étoiles de neige. 
Je tourbillonne, tourbillonne, 
Tourbillonne, au rythme des flocons.
Les yeux clos, je m'abandonne pour être surprise.
Surprise par la fraîcheur de leur caresse sur mon visage pour frissonner d'émoi.
Je tourbillonne, tourbillonne, 
Tourbillonne jusqu'à sentir mon corps chanceler, chavirer, ivre de bonheur.
Immobile, je savoure le silence, blottie dans mon cocon neigeux.
Pour exalter ce sentiment de béatitude, je fuis le temps, je m'égare.
Je m'égare très vite. Les sapins tournoient autour de moi, se rapprochent, m'encerclent, me charme.
Je m'égare, je m'égare de Bonheur.
 
Deux heures vingt plus tard

Mes lèvres frémissent, réveillées par le froid.
J'avance à pas feutrés pour préserver le silence. j'aperçois le ciel assombrit, presque déçue.
J'ai très envie que la cannelle, la noix de muscade et un soupçon de poivre, enflamment mes papilles, en dégustant un bon chocolat chaud. 

 

 LE BONHEUR DE LA MARCHE/ Patricia


Je refermais la porte de la maison bleue. Elle me servait de refuge pour un temps transitoire, celui de petites vacances occasionnelles…
Le paysage entourait de confort ce petit chalet savoyard. Il s’était recouvert d’un duvet blanc pendant la nuit, mousseux et volumineux pour la saison.
Les pieds chaussés de mes meilleurs souliers, je me risquai à une longue promenade solitaire. La température oscillait sous le zéro entre moins dix et moins huit degrés. Il était encore trop tôt pour rencontrer d’autres complices marcheurs.
Je me sentais sereine, comme un élément attendu, à peindre dans ce décor monochrome, petit étalon dérisoire d’une grandeur d’un paysage immaculé. Toute la nature semblait figée comme sur les cartes postales des Noëls d’antan.
L’air respirait la nouveauté des traces blanches sur les arbres. Les formes improvisées jouaient les arabesques de l’écriture hivernale. 
Connaissant la météo de la veille, mon sac sur le dos était garni de petites gâteries sucrées pour me revigorer et me permettre de marcher une bonne partie de la journée.
Sur le chemin emprunté, à peine tracé, le sol glissant me donnait la posture d’un i bien couvert, bien droit. Il rythmait lentement mes pas incertains bien que mesurés.
Je ne sais trop pourquoi, peut-être à cause du nom et de ma solitude, l’instant devenu précieux, me remémorait un film de toute enfance où l’héroïne Blanche Neige, perdue, tremblait d’effroi dans la forêt. Elle avançait, trébuchant, en imaginant être retenue par des branches ou bras d’êtres fantasmagoriques. Je n’avais pas particulièrement peur, j’étais plutôt impressionnée par la majesté des arbres redessinant leur présence. Pas du tout menaçant, ils étaient beaux, ornés d’entrelacs irréguliers jusqu’aux extrémités des leurs branches.
Curieuse, fascinée, ma tête oscillait de tous côtés, levée et baissée par la beauté des cimes, intriguée par toutes les traces laissées par de petits animaux matinaux et celles de mes pas furtifs inscrivant délicatement mon passage.
 
            Le soleil se cacha longtemps derrière la montagne, puis demeura opaque sous les brumes hivernales. Il rayonna peu, juste le temps d’une petite collation, laissant l’atmosphère ouatée continuer à me câliner, à me protéger durant toute ma marche. Cela me rendait moins visible, laissant dame nature régner et se dévoiler au gré de mes avancés.
  Je peinais dans les montées, suffoquant et libérant les airs pollués hérités de ma ville. Les descentes prenaient des allures de sauvetage car je devais éviter les glissades un peu trop franches. Peu importait les difficultés du terrain, la magie des lieux m’envoûtait, me transformait, m’enivrait…
 
           Je ressentais le plus grand des bonheurs, celui d’être un parmi, associée, réunie, un tout unifié….

 JE ME SOUVIENS DE LA MAISON DE PICARDIE / Sylvie

J'ai souvent passé les vacances scolaires dans la maison familiale de mes parents

Cette maison est située à Vasseny, à quinze kilomètres de la ville de Soissons dans l'Aisne, cette fameuse ville dont on cherche toujours le vase brisé. Elle possède une cathédrale où est exposée une toile de Rembrandt, des spécialités culinaires comme le haricot de Soissons qui se décline aussi en sucrerie dans toutes les boulangeries de cette ville.
La maison au départ modeste et sans commodité était faite de pierre de la région entre laquelle était déposée une pâte qui servait de mortier. Maison typique de la Picardie avec des ardoises noires et des créneaux de pierre qui formaient un escalier le long de la toiture. Cette maison était en fait une ancienne ferme, nous pouvions y trouver les cabanes à cochons, le grenier à foin, les deux caves voûtées, le puits, la cabane où se reposent les chevaux au temps où l'agriculture était faite avec des chevaux, son grenier ainsi que le traditionnel potager où les fleurs et les fruits s'harmonisaient au gré des saisons. Sans oublier le verger qui fournissait des pommes et des poires pour presser et récolter le cidre et le poiré.
Le grenier à foin était accessible par un escalier extérieur en bois rustique et c'est là que je montais un jour de pluie. Le foin était encore étalé à même le plancher de bois, le linge séchait sur des fils. Dans un coin à droite sous le foin, j'aperçus un petit monticule, je m'empressai d'enlever le foin qui le recouvrait pour avoir devant les yeux une magnifique malle de calèche bordeaux et noire. Je m'empressai de l'ouvrir. Heureusement elle ne portait ni clef, ni serrure et l'ouverture fut facile.
Et là, devant mes yeux se trouvait une bible ou était dédicacé un petit mot à l'occasion de ma communion solennelle. Je me revoyais vêtue de mon aube blanche ainsi que de la coiffe que j'avais délicatement déposée sur mes anglaises qui venaient d'être peignées pour cette occasion. Je portais deux croix autour de mon cou d'enfant, l’une en albâtre et l’autre en or. Le souvenir de ce jour prestigieux me fit venir les larmes aux yeux.
Un sourire enfantin marqua mon visage et mes pommettes rebondies étaient toutes roses. Dépourvue de maquillage, je me sentais plus jeune. Et puis je découvrais dans une housse plastique une robe de mariée blanche sans savoir à qui elle avait appartenue. Eh oui, elle avait eu son heure de gloire. Était-t-elle la robe de ma mère, de ma grand-mère ou de ma tante ? À ce moment précis, j'étais dans l'incapacité de le savoir.

Ensuite je découvrais au fond de la malle un phonographe et deux disques de 78 tours. Tout de suite le souvenir des disques de ma mère me vint à l'esprit. Elle aimait tant le disque des valses de Vienne ainsi que celui du pasodoble qui, à chaque fois, lui faisait venir les larmes sur les joues. Malheureusement, il y avait déjà neuf ans qu'elle nous avait quitté, une sombre histoire de cancer des poumons.

Tout de suite me vint à l'esprit de faire une tresse avec du foin dans ce grenier. Tresse que je plaçais sur mes cheveux longs, couleur de vache. J'enfilais la robe de mariée, qui me faisait penser à une fée, et le phonographe en main, je plaçai le disque des valses de Vienne. Je me mis à tourner, tourner, comme le font les derviches tourneur en référence à leur danse appelée Sama, dont les mouvements rappellent ceux d'une toupie. Le derviche dansait pour les touristes, en Turquie.
Ainsi mise, je tournais le socle du phonographe afin d'entendre les sons sortir. Cette musique provenait de ma tête, venaient des valses, des valses à perdre haleine. Et la musique défilait dans une allégresse magnifique, puis soudain le coffre bascula et referma la boîte.