Les bizarreries de la langue française

La chasse au Gros, ou comment s'en débarrasser ?

(tics de langages) et jeu du remplacement, textes à trous pour remplacer « Voilà », « du coup », verbe être, verbe avoir…
Les tics de langage sont partout : à l’oral, à l’écrit, à la maison, à l’école, au bureau... Faussement rassurants, ces « mots béquilles » alourdissent nos propos et nuisent à leur clarté. Et si on les remplaçait par des équivalents, plus explicites et plus élégants ?

    – Un petit peu : « À présent, je vais vous parler un petit peu de la situation. » Ce « un petit peu » minimise d’avance les propos qui vont être tenus. Quel dommage ! Si l’on veut dire que l’exposé sera court, on préférera les adverbes rapidement, brièvement, succinctement ou compendieusement qui, malgré sa longueur, signifie bien « en abrégé » !

    – Du coup : « La réunion a été annulée, on fait quoi du coup ? » Eh bien, on commence par remplacer cette expression un tantinet agaçante par ces nombreux équivalents : donc, de ce fait, en conséquence, par conséquent, voire subséquemment !
    – Voilà ! : Pour conclure un propos, « voilà » est bien léger, voire effronté ! On veillera au moins à le compléter : « Voilà ce que je voulais vous dire. » Sinon, on conclura par « J’en ai terminé », « C’est tout pour moi » ou encore « Je vous remercie de votre attention ».
    – C’est clair : Cette expression, fréquente chez les visuels (la majorité d’entre nous), équivaut à évidemment, assurément. La remplacer permettra d’éviter les associations cocasses : « On n’y voit rien ici. — C’est clair. »

Vous cherchez à tromper l’ennui d’une visioconférence qui traîne en longueur ou à survivre à un voyage en train, coincé à côté de passagers à la conversation sonore ? Efforcez-vous de tenir l’inventaire du nombre de fois où vous allez entendre « du coup ». Vous serez tenu en haleine car l’expression peut être débitée à un rythme de mitraillette. Tendre l’oreille, c’est constater l’évidence : « du coup » est une locution endémique. Nulle sphère sociale ou générationnelle n’y échappe. « Du coup » se greffe sur une phrase sans apporter grand-chose, voire rien du tout, à son contenu. « Il a rasé sa barbe ; du coup ça l’a rajeuni. » On peut même la placer en tête de gondole sans que son apport ne s’en trouve rehaussé : « Du coup, c’est râpé pour notre déj’de ce midi. » Autrefois, il y eut une déferlante de l’adverbe « effectivement ». Là, c’est un raz de marée.
On pourrait y voir un banal tic de langage, un embarrassant hoquet linguistique que l’on finira par amadouer ou qui s’autodissoudra de lui-même. Erreur. L’intrus a pris racine. « Tu réalises que tu viens d’utiliser trois fois “du coup” dans la même phrase ? », s’est-on entendu dire de la part d’une personne proche à qui l’on exposait tout l’intérêt de se pencher sur la question. En novembre 2014, l’Académie française avait tenté de mettre le holà à cette inflation déjà galopante. Le sens de la locution adverbiale « du coup » selon l’Académie, « d’introduire la conséquence d’un événement (…) traduisant une quasi-simultanéité ». « Du coup » étant très proche d’« aussitôt », « on ne peut donc pas l’employer systématiquement, ainsi qu’on l’entend souvent, en lieu et place de “donc”, “de ce fait” ou “par conséquent” », mettait en garde l’Académie années ont passé et ces deux mots minuscules et insaisissables se sont instillés partout.

Addiction lexicale... A force de clignoter dans nos phrases comme une guirlande de Noël, cette addiction lexicale un peu molle s’est imposée, nolens volens, comme un marqueur. Ce qui fait se plier de rire les Québecois, qui, chez eux, baptisent nos compatriotes les « Du coup ».

La préposition «voilà» est employée à tout bout de champ, tantôt pour introduire une phrase, tantôt pour la conclure. Mais quand est-il correct d'employer ce mot ?  C'est le propre du tic. On s'en entiche, on s'en entête et on le répète. Tout le temps. À tout moment. Même pour ne rien dire. Ces mots aussi toquants que tiquants nous rendent complètement toqués. Identiques au tic-tac d'une dynamite, ils détraquent tout.

«Voilà, il m'a dit que tu ne m'aimais plus», «j'arrive demain, voilà». Servie à toutes les sauces, la préposition «voilà» est devenue un incontournable de nos conversations. Souvent à tort.

Le mot n'a rien d'inepte à l'origine. Composé de la deuxième personne de l'indicatif de «voir» et de la particule «là», le terme, d'abord orthographié «vela», apparaît dans les usages dès l'année 1342. Il s'emploie pour «désigner une personne ou une chose relativement éloignée». Progressivement, la préposition intègre de nouvelles significations. On la retrouve utilisée dès la fin du XIVe pour désigner des choses dont il vient d'être question précédemment».

 Vela, vella, voyla et voilà!
«Vela», parfois écrit «vella» devient une façon d'annoncer la venue d'un individu dans la locution «me vella» mais aussi une manière d'introduire une explication dans la formule «velà comment», au crépuscule du XVe siècle.
Si son sens s'adapte aux conversations, il se déleste également de son carcan médiéval pour prendre la forme «voyla», puis «voilà» au début du XVIIe siècle. La préposition se retrouve par la suite en littérature dans l'expression «en voilà assez» pour mettre fin à un entretien et celle plus familière, «voilà-t-il pas que». Ce, avant de se transformer en exclamation sous la plume de Stendhal dans La Chartreuse de Parme. «En voilà du nanan!»
Véritable caméléon de la langue française, le mot «voilà» n'en reste pas moins aujourd'hui soumis à des règles. La préposition sert à la fois «à présenter ce qui est éloigné ou ce qui est passé et “voici“, ce qui est proche ou à venir» mais aussi «à présenter une personne», explique l’Académie française

Exemple: «Voilà ce que vous avez fait», «voici ce qui reste à faire», «voici l'ami dont je te parle».

Hormis ces emplois, on évitera d'en faire «une forme d'adverbe de phrase servant à introduire ce que l'on va dire ou à signaler que l'on n'a rien à ajouter», précisent les sages. Conclusion? Il est préférable de ne pas commencer ses phrases par un «voilà» ou de les conclure, sans d'autre objet que de dire... que l'on n'a rien à dire. Voilà tout.

Et pour s'entraîner...